Reconnaissance palestinienne : l’épreuve des faits

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Par Francis Jubert

La France a officiellement reconnu l’État palestinien. Annoncé par le président de la République à la tribune des Nations unies, ce geste se veut à la fois un acte de justice et un message d’espérance. Il inscrit notre diplomatie dans la longue tradition française qui cherche à concilier l’universel et le particulier. Mais reconnaître un État engage bien plus qu’une parole symbolique : c’est un acte de droit et de puissance qui implique sécurité, responsabilité et clarté. La valeur d’une telle décision se mesure à ses effets réels sur le terrain, non à la solennité des discours. 

Le symbole et ses limites

Dans un texte collectif issu d’une réunion spéciale de son comité de rédaction, la revue Esprit salue la reconnaissance française comme « historique et symbolique », tout en rappelant que le symbole ne crée pas la réalité. L’État palestinien demeure, aujourd’hui encore, largement virtuel : institutions fragiles, territoire éclaté, souveraineté inexistante. Le geste présidentiel ouvre certes un horizon d’attente et d’espérance, mais une reconnaissance sans conditions ne saurait remplacer ni les sanctions contre Israël lorsqu’elles s’imposent, ni l’appui concret à la reconstruction d’un véritable État palestinien.

La question de la légitimité palestinienne

Dans Le Figaro, la voix de Samer Sinijlawi, représentant d’une tendance réformiste palestinienne, pointe un problème essentiel : sans réformes ni légitimité électorale, l’Autorité palestinienne reste discréditée, tandis que Gaza demeure sous contrôle du Hamas. Emmanuel Macron aurait pu profiter de sa tribune pour appeler à des élections, condition première d’une représentation authentique. À ses yeux, seule une direction palestinienne légitime sera en mesure de négocier sérieusement la paix.

Le cadre juridique et sécuritaire

L’analyse de Jean‑Éric Schoettl dans les mêmes pages Débats du Figaro, rappelle, pour sa part, que la reconnaissance d’un État ne peut être inconditionnelle. Elle doit être subordonnée à la garantie, pour chaque acteur, du droit d’exister dans des frontières sûres. Dans l’immédiat, cela suppose la libération des otages israéliens, le désarmement du Hamas et, en contrepartie, la fin des opérations militaires de Tsahal à Gaza. À plus long terme, seule la conclusion sincère d’accords régionaux peut fonder une paix durable. 

D’où une contradiction relevée par l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel : reconnaître l’État palestinien d’un côté, tout en subordonnant l’ouverture effective d’une ambassade à l’émergence d’une direction palestinienne réformée et démocratique. Une telle ambiguïté affaiblit la crédibilité de la démarche et donne le sentiment d’une diplomatie incantatoire.

Les inquiétudes israéliennes

À New York, Benjamin Netanyahu a dénoncé une reconnaissance « offerte au terrorisme », message dangereux selon lui, car il accrédite l’idée que la violence paie. On peut discuter l’excès de ses mots, mais ils traduisent une inquiétude réelle : qu’une diplomatie réduite au registre symbolique ne compromette la capacité de médiation française et n’alimente la confusion auprès des acteurs locaux.

Au‑delà des effets d’annonce

Reconnaître l’État palestinien ne peut se réduire à un geste de communication. C’est un acte lourd de responsabilités pour la France. Sans conditions claires — sécurité d’Israël, désarmement du Hamas, réforme en profondeur de l’Autorité palestinienne et organisation d’élections libres — une telle reconnaissance risque non seulement d’affaiblir la paix qu’elle prétend servir, mais aussi de renforcer les forces les plus hostiles à toute négociation.  

Cette exigence de conditionnalité était déjà au cœur de la tribune publiée sur ce site le 16 avril 2025, en écho à la position de 103 sénateurs français opposés à une reconnaissance unilatérale. Comme eux, nous affirmions qu’un geste isolé et non encadré par des garanties strictes risquerait de légitimer le terrorisme et de compromettre durablement les perspectives de paix.  

Pour une France puissance d’équilibre

L’histoire le montre : notre diplomatie n’est respectée et efficace que lorsqu’elle allie indépendance, responsabilité et souci du bien commun. La reconnaissance d’un État palestinien doit donc rester l’aboutissement d’un processus exigeant, garantissant à la fois l’existence de la Palestine et la sécurité d’Israël.En choisissant de précipiter ce geste sans conditions véritables, le président Macron a pris un risque personnel et politique. Sera‑t‑il fondateur d’une paix réelle, ou ne restera‑t‑il qu’un miroir de nos bonnes intentions ? L’avenir tranchera.

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