Par Paul-Marie Coûteaux et Guillaume de Thieulloy
I l est sans doute trop tôt pour tirer un bilan étayé du pontificat qui vient de s’achever. D’autant que l’histoire se révèle bien souvent malicieuse et que telle personnalité encensée de son vivant peut aisément se trouver oubliée de tous quelques mois après son décès, tandis qu’à l’inverse, telle autre, en butte à toutes les critiques, se voit ultérieurement reconnue pour visionnaire.
Nous n’aurons donc pas la prétention, dans cet éditorial, de dresser un premier bilan (le journal de Paul-Marie Coûteaux, dans ce numéro, en donne cependant quelques linéaments), mais il n’est pas interdit de contempler l’incroyable mauvaise foi des médias qui ne sont pas dits sans raison « de masse » – à la fois parce qu’ils « massifient » ce qui naguère était des peuples et parce qu’ils sont utilisés comme des masses pour détruire les derniers restes d’intelligence et de culture!
Presque tous ont pleuré abondamment le « Pape progressiste ». On a même entendu le fameux «théologien » de plateau télévisé, Thomas Guénolé, affirmer solennellement: « La mort du pape François est une lourde perte pour tous les progressistes du monde, croyants ou pas. » (Peut-être croyait-il que les « progressistes », par le fait même, sont préservés de la mort?)
Certes, ce n’est pas sans raison. Nous avons bien en tête la décision brutale de persécuter les fidèles attachés à la messe traditionnelle – comme si l’attachement à la Tradition pouvait être un défaut dans une église, dont le rôle est précisément de « transmettre » – c’est-à-dire en latin de tradere. Nous n’oublions pas les déclarations délirantes sur l’immigration comme celle-ci : « Le principe de la centralité de la personne humaine nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale » – qui détruit tout à la fois la notion même de bien commun, centrale dans la pensée sociale catholique et même la simple logique (comment supposer que la sécurité d’une seule personne, fût-elle immigrée, exige de sacrifier celle de millions d’autres qui ont pour seul tort de résider dans le pays que la première veut atteindre?). Nous n’oublions pas davantage la déclaration d’Abu Dhabi, plus scandaleuse encore dans la bouche d’un Pape, selon laquelle « le pluralisme et la diversité des religions, des couleurs, du sexe, de la race et de la langue sont une sage volonté divine » – ce qui revient à supposer que le Dieu qui s’est présenté dans la révélation évangélique comme la Vérité trouverait sa joie dans l’erreur en matière religieuse!
Mais ceci ne regarde, en un sens, que les catholiques – et d’ailleurs les journalistes larmoyants n’y ont pas compris grand-chose. Ce qui demeure souverainement étonnant, c’est que l’on encense une encyclique sur l’écologie qui dénonce en toutes lettres la « une grande démesure anthropocentrique » de la modernité et un « rêve prométhéen de domination sur le monde». M. Guénolé dénoncet-il, lui aussi, cette hubris moderne? C’est encore que l’on applaudisse un pontife qui a comparé l’avortement à l’utilisation des « services » d’un tueur à gages, dénoncé « l’eugénisme en gants blancs », ou encore parlé de l’euthanasie comme de la « perspective faussement digne d’une mort douce ».
Il est tout de même paradoxal de voir les macronistes et les mélenchonistes unis dans le chœur des pleureuses, louant le « Pape des pauvres », au moment même où ils s’unissent également à l’Assemblée pour légaliser l’euthanasie de ceux qui n’auront pas les moyens de s’offrir des soins palliatifs! Mais peut-être que le principe de non-contradiction a, lui aussi, été victime du progressisme (qui, il est vrai, avait déjà détruit le principe de réalité, selon l’immortelle formule de Rousseau au seuil de sa monstrueuse invention politique: « Commençons par écarter tous les faits, ils ne touchent point à la question »!). Quant à nous, conservateurs, nous en restons à ce qui a toujours été la nature de l’homme: nous ne croyons pas le moins du monde que nous puissions nous passer de ces principes de réalité et de non-contradiction – ni que nous puissions passer par pertes et profits l’expérience de nos aïeux. Et nous considérons les éloges prétendument « progressistes » sont, en réalité, insultant pour celui qui était, malgré tout, le « Père commun ».
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