La légende du Green Deal – épisode 2

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Par Laurence Trochu

Selon qu’on la défende, comme condition préalable à une société pacifiée, ou qu’on la rejette, comme une négation de la part spirituelle de l’homme, la laïcité n’en reste pas moins un sujet récent en France, pour (au moins) deux raisons. La première est qu’elle est d’abord, pour sa définition juridique, un fruit de la Révolution française, entrecoupé depuis de pauses restauratrices, et donc à l’échelle de l’Histoire de France, seulement durant deux siècles sur quinze. La seconde est qu’elle fut pensée, pour sa version législative, dans une société de culture et de mœurs homogènes, ce qui n’est aujourd’hui plus le cas, comme chacun sait.

On présente souvent la laïcité comme une invention du Christ lui-même, par le « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». On attribue cette paternité un peu rapidement, car elle ne fait pas de Jésus un défenseur de la loi de 1905. Le christianisme est simplement le seul monothéisme séparant pouvoir spirituel et pouvoir temporel, tout en rappelant que tout pouvoir vient d’en haut, même en démocratie, ce qui rend ainsi possible une forme de laïcité . L’Église a, par ailleurs, théorisé une doctrine sociale et d’organisation de la Cité, et s’exprime sur les sujets politiques comme elle en a le droit. L’autre origine est moins glorieuse. De 1789 à 1905, la laïcité en France s’est essentiellement construite contre les religions, sinon contre le catholicisme, et ce jusque dans le sang. Les révolutions qui, dans le monde, ont suivi celle de 1789 ont surpassé ses prouesses, faisant suivre aux Eglises le même chemin de croix gravi par celle de France. La République est laïque dans sa définition la plus dure, celle de l’effacement de la religion de la sphère publique. Avec cette conséquence que regrettait Patrick Buisson dans La cause du Peuple : « La laïcité, telle qu’elle est brandie aujourd’hui, n’est plus la garantie d’une neutralité de l’État, mais une arme idéologique pour déconstruire l’héritage culturel et spirituel de la France. Elle sert à nier ce que nous sommes, à effacer la mémoire d’un peuple façonné par deux mille ans de christianisme. »

Cette exception fait de la France le seul pays européen à ne pas laisser de place aux religions dans l’espace public, quand tous les autres ont conscience que la dimension religieuse est essentielle à la vie de l’homme. Le catholicisme a pourtant fait la France, à tel point que l’école a longtemps enseigné qu’elle est née le jour du baptême de Clovis, et que c’est un sacrement de l’Église qui lui a donné vie. Si la France est la fille aînée de l’Église, le catholicisme doit posséder chez nous un droit d’aînesse, vendu aujourd’hui pour le plat de lentilles de la paix sociale. Outil de négation de nos racines chrétiennes, la laïcité fragilise l’unité nationale. Elle ôte des références communes, laissant place à des religions de substitution, qu’elles soient matérialistes (écologie, consommation effrénée, course aux droits individuels) ou spirituelles, comme l’Islam. Aux yeux de nombreux responsables de droite, la laïcité est un moyen à saisir pour lutter contre la place grandissante d’un Islam radical et conquérant dans nos sociétés, un rempart face au Grand Remplacement. C’est une triple erreur. D’abord parce que le sujet est avant tout démographique. Ensuite, parce que l’Islam, par nature, ne peut intégrer le concept de laïcité et de séparation du spirituel et du temporel. Enfin, parce que la laïcité à la française, en ayant créé ce vide spirituel qui ne demande qu’à être rempli, est une part du problème plutôt que la solution.

Comme responsable politique, on me demandera à juste titre quelles sont les solutions que je propose. La première est d’arrêter de nier la part spirituelle de l’homme, et donc de penser la laïcité comme un cadre garantissant la liberté de culte plutôt que son éradication de l’espace public. La laïcité doit aussi reconnaître à la France la primauté de son identité, qui est avant tout catholique, pour sa part spirituelle au moins. « Heureux comme Dieu en France », disait l’expression populaire. Ce que les innombrables édifices religieux nous rappellent, depuis le plus humble calvaire jusqu’à Notre-Dame de Paris, doit se traduire dans l’exercice d’une laïcité qui ne nie pas ce que nous sommes. Non, la France ne peut penser sa laïcité de la même manière pour toutes les religions.Telle qu’elle s’est construite en France, à la fois contre la religion et contre son identité propre, la laïcité est l’une des sources des problèmes qui minent l’unité de la France. Roger Scruton dénonçait cette laïcité totalitaire à la française, dans laquelle il voyait une « culture de la répudiation », cherchant à bannir les idées du sacré de la vie publique. La laïcité est le péché originel de la République, qui a voulu remplacer le spirituel en croquant la pomme du matérialisme athée. C’est la raison pour laquelle nous sommes désarmés face à la montée de l’Islam culturel et que nous n’avons plus à lui opposer que des concepts vides tels que le dialogue, le vivre-ensemble, la tolérance et autres concepts creux comme «les valeurs de la République». Ce n’est pas le principe de laïcité qui permettra de lutter contre l’Islam culturel, car la loi de 1905 concerne l’État, alors que l’Islam culturel exerce une emprise et une influence qui visent la société civile. C’est une approche conservatrice, celle de la réappropriation et de l’affirmation de notre héritage culturel façonné par notre tradition gréco-romaine et nos racines chrétiennes, qui peut relever le défi civilisationnel auquel l’Occident est confronté. Le défi se joue aussi sur la capacité de l’Occident à mettre en avant et à transmettre sa propre culture. Cela n’implique pas de remettre en cause la loi de 1905. Il s’agirait simplement de rappeler que cette loi ne visait qu’à assurer la séparation du pouvoir politique du pouvoir religieux, et non à effacer l’identité culturelle chrétienne de la France.

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