Briser le cordon sanitaire pour reconquérir le pouvoir

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Par Francis Jubert

Le Premier ministre François Bayrou n’a pas obtenu la confiance qu’il réclamait. La chute de son gouvernement révèle l’impasse du macronisme : un exécutif sans légitimité, incapable de stabiliser le pays.

Plutôt que de chercher un nouveau Premier ministre, Emmanuel Macron – dont la popularité est au plus bas – ne devrait-il pas plutôt dissoudre l’Assemblée nationale et rendre la parole au peuple ?

En l’absence du cordon sanitaire – cette barrière artificielle dressée par les partis traditionnels pour isoler le Rassemblement national –, il est fort probable que les Français accorderaient leur confiance à une coalition allant des Républicains (LR) au RN.

À l’instar des alliances tactiques conclues par la gauche, la droite doit s’affranchir de cet obstacle politique. Trois conditions sont essentielles : reconnaître la volonté populaire, dépasser les tabous idéologiques et instaurer une véritable discipline électorale.

Une droite entravée par ses divisions
Comme la gauche, qui a surmonté ses clivages (jacobins, collectivistes, libertaires), la droite française est diverse : libérale, conservatrice, bonapartiste, nationaliste. Ces courants, longtemps en concurrence – des gaullistes et centristes en 1976 aux tensions actuelles entre LR et RN –, se sont vus fragmentés par le cordon sanitaire, conçu dans les années 1980 pour marginaliser le Front national.

Présenté comme une défense des valeurs républicaines, ce mécanisme sert surtout à maintenir le statu quo. En 2002, il a permis de fédérer contre Jean-Marie Le Pen. Mais en 2017, il a contribué à la division de la droite, facilitant la victoire d’Emmanuel Macron qui a capté les électeurs modérés de LR.

Pourtant, l’histoire montre que la droite a déjà su dépasser ses fractures : Charles de Gaulle, en 1958, a rallié toutes les forces autour de la souveraineté nationale ; en 2002, l’UMP s’est constituée face à la gauche plurielle. Aujourd’hui, le cordon sanitaire n’est plus une digue morale : il occulte la droitisation croissante de la société.

Les clés pour rompre le cordon sanitaire
La première étape consiste à dénoncer son hypocrisie. La gauche n’a pas hésité à intégrer communistes et radicaux au sein du Front populaire (1936) ou du programme commun (1972). Pourquoi la droite ne pourrait-elle pas unir conservateurs et nationalistes autour d’un socle commun : l’ordre, l’identité et la prospérité ?

Ensuite, dépasser les tabous idéologiques. Le RN, stigmatisé depuis quarante ans, doit être abordé de manière pragmatique, à l’image de Mitterrand ralliant le PCF en 1972 malgré le contexte de la guerre froide. Les négociations devraient porter sur des principes généraux : défense des frontières, assainissement des finances publiques, relance économique. Des figures modérées pourraient porter ce processus pour rassurer les centristes abandonnés par Macron.

Troisième condition : instaurer une discipline électorale. La gauche a toujours excellé dans l’art du désistement républicain (1981 : le PCF en faveur de Mitterrand). La droite doit imiter cette stratégie : retraits mutuels entre LR et RN lors des prochaines législatives, accords pré-électoraux sur le modèle italien (2022). Sans concessions aux querelles d’ego, cette stratégie mettrait fin au piège macronien de la division, si habilement exploité en 2017 (affaire Fillon) et en 2022.

Enfin, il s’agit de s’aligner sur la société réelle, dont le centre de gravité idéologique s’est déplacé à droite : sécurité, transmission, identité. Le cordon sanitaire, en niant ces réalités, aliène les électeurs populaires. Un discours unificateur, enraciné dans ces aspirations, démontrera que l’union n’a rien d’extrémiste : elle est représentative.

Union et programme commun
Comme la gauche a su le faire, l’unité de la droite doit reposer sur un programme partagé – sécurité, économie souveraine, réaffirmation nationale – porté par une coalition libérée du cordon sanitaire. Hier, le Front populaire s’unissait contre les ligues d’extrême droite ; ironie de l’histoire, c’est aujourd’hui la droite qui se trouve entravée.


Les obstacles sont réels : résistance interne de certains cadres LR ou RN, hostilité médiatique acquise à la gauche. Mais la démission de François Bayrou offre une opportunité unique : celle d’une dissolution immédiate pour tester une coalition nouvelle. Si la gauche s’unit par opportunisme, la droite doit le faire par nécessité démocratique.

Conclusion
La droite triomphera en rompant le cordon sanitaire à condition de respecter quatre impératifs : invoquer la volonté populaire, dépasser les tabous, instaurer une discipline électorale et s’aligner sur les aspirations profondes du pays.

Comme l’écrivait Jacques Julliard au sujet de la gauche, la droite vit de ses contradictions. Mais c’est en les surmontant qu’elle parviendra à reconquérir le pouvoir – et à se libérer définitivement du piège macronien.

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