Ecologie tragique par Fabrice Hadjadj aux éditions Mame.
Recension d’Alexandre de Galzain
Dans un nouvel essai brillant, le philosophe Fabrice Hadjadj dessine une nouvelle vision de l’écologie chrétienne, refusant le dilemme entre conservatisme et fatalisme.
« Dieu dit : “Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre.”» Maître de la nature, Dieu l’est assurément selon la théologie chrétienne. Maître et gardien, dit-on d’ailleurs. Mais le gardien, luimême, qui le gardera? C’est la question à laquelle tente de répondre Fabrice Hadjadj dans son dernier essai, Écologie tragique (Mame, 184 p., 17,95 €), véritable appel à construire une nouvelle morale écologique chrétienne qui «garderait» l’homme tout en légitimant son magistère sur la nature.
L’écrivain pose bien le terrible « problème à cornes»: être maître et gardien, ce n’est pas la même chose. Le maître dirige quand le gardien préserve, et le dilemme écologique réside cette tension entre ceux qui veulent mettre la nature au service de l’homme et ceux qui veulent mettre l’homme au service de la préservation de la nature. Hadjadj convoque Nietzsche et les Évangiles. La nature est avant tout une manifestation de volonté de puissance, un amor fati divin. Si la vie a une valeur indéniable, à quoi bon vivre pour la vie? La vie est un moyen, pas une fin, et même la reproduction de la vie ne saurait suffire à être une fin. «Croissez et multipliez-vous» dit encore la Genèse. Mais la nature, divine selon le christianisme, est aussi riche en enseignements quant à sa propre finalité: si le loup a de telles dents, c’est bien pour manger l’agneau et non pas pour s’étendre à ses côtés. Pourtant, au jardin d’Éden, le loup a bien ses crocs, rappelle Hadjadj. Mais le royaume dans lequel les loups paissent auprès des moutons n’est pas de ce monde et, depuis la chute originelle, l’homme est désormais condamné à la Terre et doit vivre parmi les loups, lui aussi.
Alors, si l’animal a comme finalité sa volonté de puissance, l’écologiste ne doit pas être un simple conservateur. Conserver est un prérequis, pas une fin. En fait, c’est tout le débat entre laisser-faire et charité qui se pose dans la relation entre l’homme et la nature. Par-delà le conservatisme, par-delà l’artificialisation, l’homme doit comprendre la violence inhérente à la nature sans tenter de la guérir. Anthropocentrisme sans doute, mais anthropocentrisme mesuré d’un paroissien du monde, d’un locataire consciencieux qui laisse derrière lui un domaine plus beau que celui qu’il a reçu. N’hésitons plus, prenons le taureau de l’écologie par les cornes et mieux que conservateurs, devenons chrétiens.
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