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Une même oeuvre française

par Jacques Boncompain, président de l’Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP)

Le 8 juillet 1962, le général De Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer assistèrent ensemble à une messe solennelle pour la paix en la cathédrale de Reims et manifestèrent par là leur volonté de réconciliation entre la France et l’Allemagne, scellée le 22 janvier suivant par la signature du Traité de l’Élysée. Dans ce même esprit, le 22 septembre 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl, se recueillirent à l’ossuaire de Douaumont, main dans la main. Alors pourquoi la France, capable de changer en allié l’ennemi juré de trois guerres, tarde-t-elle à faire la paix avec elle-même et à mettre un terme à une guerre civile qui ne dit pas son nom et la ronge depuis bientôt quatre-vingt ans ? Comme dans les familles, il est hélas plus aisé de pactiser avec autrui que de se réconcilier avec son frère.

La Libération aurait dû être vécue par la quasi-totalité du peuple français dans une joie sans partage. Il n’en a rien été. Des pans entiers de la société seront passés au crible. Aussi, à l’heure où les Français avaient à panser leurs plaies et s’atteler au coude à coude à la reconstruction de leur pays saccagé, ils offrirent le spectacle désolant de leurs divisions et retardèrent tant le retour à la prospérité que la réoccupation de leur ancien rang parmi les nations. Si les lois d’amnistie sont venues peu à peu apaiser les esprits et corriger les excès de la répression, elles ont maintenu exposé au pilori le Maréchal. Reste que malgré beaucoup de dégâts, de luttes intestines, la France a tiré bénéfice tout à la fois de l’action du Général et de celle du Maréchal. Tous deux avaient une haute idée de leur pays et partageaient grosso modo les mêmes conceptions, comme le montrent leurs projets respectifs de constitution, accordant le droit de vote aux femmes. 

L’exemple de Rémy

Sur cette grave question, et sur la mémoire que l’on peut en avoir près de 80 ans après la fin de la guerre et « le procès Pétain », il semble utile de faire ici une place au Colonel Rémy, l’un des premiers et plus célébres des résistants gaullistes. Lecteur et sympathisant de l’Action Française, il rejoignit Londres dès le 22 juin 1940, et s’employa aussitôt, avec Passy, à mettre sur pied le premier réseau de renseignement de la France Libre, qui lui fut si précieux, comme il fut précieux à la Grande Bretagne. Compagnon de la Libération dès 1942, il fut, après la guerre, l’un des fondateurs du RPF aux côtés du Général de Gaulle, puis milita dans de nombreux cercles catholiques et royalistes, dont la Nation Française de Pierre Boutang, rejoignant également l’ADMP et s’employant à démontrer la thèse dite « de l’Epée et du Bouclier », c’est-à-dire la complémentarité entre l’action de deux hommes voués au même dessein, vaincre l’Allemagne – thèse qu’il exposa dans plusieurs ouvrages qui connurent un grand retentissement, mais lui valurent aussi d’innombrables démêlés avec ses compagnons gaullistes. La thèse n’en fut pas moins soutenue par plusieurs historiens, et reprise par Eric Zemmour dans son ouvrage « Destin Français ».

En décembre 1944, le Général avait admis que, en 1940 « on pouvait avoir des conceptions différentes sur le service de la patrie ». Son fils, Philippe de Gaulle, confiera plus tard, dans ses entretiens avec Michel Tauriac, que, dînant à Londres avec son père un soir de 1941, il l’entendit lâcher : « Heureusement que le vieux Pétain était là ! ». En 1947, à l’issue d’un dîner au Bois de Boulogne avec lui, le colonel Rémy, accabla de ses sarcasmes « le cynique vieillard de l’île d’Yeu. » Le Général le reprit : « Rémy, souvenez-vous qu’il faut que la France ait toujours deux cordes à son arc. En juin 1940, il lui fallait la corde Pétain et la corde de Gaulle. Je ne comprendrai jamais pourquoi le Maréchal n’est pas parti à Alger au mois de novembre 1942. Les Français d’Algérie l’eussent acclamé, les Américains l’eussent embrassé, les Anglais auraient suivi, et nous, mon pauvre Rémy, nous n’aurions pas pesé bien lourd dans la balance ! Le Maréchal serait rentré à Paris sur son cheval blanc. » Cette réflexion sidéra Rémy. Déterminé à avoir le cœur net de ce qui s’était vraiment passé, il tint à prendre connaissance des minutes du procès du Maréchal publiées au Journal Officiel et des procès-verbaux du Procès de Nuremberg relatifs à la France. Il en tira une conviction claire : le Maréchal, en dépit de maladresses et d’erreurs dues à son grand âge, à son isolement progressif et à la confusion régnant à l’époque, n’avait pas, à proprement parler, trahi. Dans le même temps, frappé par la multitude de témoignages de personnes qui lui demeuraient fidèles, persuadées qu’un accord secret réunissait les deux hommes, il accola dans son bureau l’image du Maréchal à celle du Général, et se mit à œuvrer à la réconciliation des Français. 

Guérir la France de sa coxalgie

Sans doute le Maréchal avait-il été condamné à mort par la Haute-Cour, mais la valeur de l’arrêt était celle d’un tribunal révolutionnaire dont la composition et le fonctionnement avaient été dénoncés par les Alliés, et le Général avait converti la peine en prison à vie. Face à « un procès inique », Petrus Faure, membre du Jury, révolté, avait forcé le secret des délibérations et révélé que le procureur Mornet lui avait dit : « J’ai requis la mort, mais il faut surtout ne pas la voter. » Les trois magistrats professionnels s’étaient ensemble prononcés, peu après, en faveur de cinq années de bannissement, autant dire, à l’époque, l’acquittement. 

Churchill s’inquiétait d’une condamnation qui allait nécessairement affaiblir la France face à l’URSS. A la question de Rémy, qu’auriez-vous fait le 26 août 1944 à la place du général de Gaulle ? il aurait répondu : « Le 26 août 1944, à la place du Général, je crois que j’aurais fait chercher le Maréchal pour lui dire de descendre avec moi les Champs-Élysées1 ». Rémy en fera part au Général et lui demandera pourquoi, le jour de sa descente triomphale des Champs-Élysées, n’avait-t-il pas dit : « Le Maréchal Pétain et moi ne nous sommes pas vus depuis quatre ans ; nous avons, l’un et l’autre, suivi des voies différentes, et même divergentes, mais j’ai la conviction que, l’un comme l’autre, avec tous les Français et toutes les Françaises qui nous ont suivis de bonne foi, étions inspirés par la même volonté de rétablir l’indépendance et la grandeur de notre patrie. » Si vous aviez dit cela, mon Général, je crois que vous auriez empêché une foule d’injustices, qui furent atroces. Je crois qu’en cette année 1954 vous seriez toujours à la tête du pays… » De Gaulle après un silence lâcha : « Eh bien, ça ne s’est pas fait, voilà ! ». 

Churchill ne pouvait ouvertement exprimer sa réserve, mais le secrétaire du Parti Conservateur, Kenneth de Courcy, proche de lui, s’en chargea. A la veille du procès ce dernier fit part à la Haute-Cour de son incrédulité : « Je refuse absolument de croire que le Maréchal Pétain ait été un traître et qu’il ne l’ait jamais été. Je ne crois pas, d’ailleurs, qu’un Maréchal de France soit un traître et j’estime, en tout cas, que c’était extrêmement rusé et une immense contribution à la sécurité de ma patrie, l’Angleterre, que Pétain ait réussi à empêcher la flotte française et l’Afrique du Nord de tomber entre les mains des Allemands. Quelles que soient les fautes qu’il a pu commettre, le fait d’avoir empêché les Allemands d’acquérir la force nécessaire pour envahir ce pays, c’est-à-dire la puissance navale que l’Allemagne ne possédait pas, mais que la France possédait, ce fait est, à mon avis, un résultat étonnant, et je ne comprends pas que les gens ne puissent le voir avec clarté. « En outre, je ne peux comprendre comment il a pu faire pour tenir les Allemands éloignés de l’Afrique du Nord. « Je ne crois pas que, dans toute l’Histoire, il y ait eu un pays qui ait été aussi complètement joué que les Allemands l’ont été par les Français. (Hitler le reconnut lui-même le 14 février 1945 ndlr.) Pourquoi n’est-ce pas reconnu par tout le monde ? (…) « Par ailleurs, je n’ai absolument aucun désaccord avec de Gaulle… Je pense que tous les deux, Pétain et de Gaulle, ont rendu à la France un immense service, l’immense service de tromper les Allemands. Quel dommage qu’on ne réalise pas cela : Pétain sans de Gaulle et de Gaulle sans Pétain n’auraient jamais obtenu un résultat comparable à celui qu’ils ont obtenu ensemble. »

Cet avertissement fut inaudible en raison de la position dominante du parti communiste, alors tout puissant. Depuis l’image du Maréchal Pétain a été fortement dégradée avec l’accusation d’antisémitisme et une campagne d’opinion aboutissant à une condamnation de l’État Français par Jacques Chirac, reprise par les présidents de la République successifs, sans grande opposition des historiens, à l’exception notable du rabbin Alain Michel, jusqu’à la dénonciation récente par Jean-Marc Berlière, Emmanuel de Chambost et René Fiévet, dans leur maître ouvrage : Histoire d’une falsification. Vichy et la Shoah dans l’Histoire officielle et le discours commémoratif. Nous-même venons de faire litière d’une accusation infondée en publiant ces jours-ci Pétain bourreau ou bouclier des Juifs ? d’où il ressort que le Maréchal, loin d’avoir été le serviteur zélé des Allemands dans la réalisation de la Solution Finale, s’y est fermement opposé au point d’être reconnu par nombre de Français juifs comme l’un de leurs sauveurs, comme le fut aussi le pape Pie XII. Vingt ans après sa condamnation à mort, Guy Raïssac, magistrat instructeur à charge lors du procès du Maréchal, fit amende honorable et observa : « Un pays ne peut sans dommage renier et flétrir l’un de ses rares grands hommes, fût-ce à l’heure de son déclin, sans courir le risque d’altérer sa propre substance. » L’auteur américain Elmer Barnes concluait de même : « Sans cette condamnation, la France réconciliée et unie serait aujourd’hui à la tête de l’Europe2. » Tirons une bonne fois la leçon de tout ceci et profitons de la restauration de Notre-Dame et des célébrations du 80e anniversaire de la fin de la dernière guerre, en 2025, pour transférer enfin à Douaumont, avec les honneurs militaires, les restes du Maréchal toujours en souffrance à l’Île d’Yeu. Une nette majorité de Français y est favorable. Par ce simple geste la France se redressera ; elle retrouvera enfin toute son âme et refera son unité si nécessaire pour affronter victorieusement les nouveaux périls qui la menacent.

Photographie : le Colonel Rémy, chef des services secrets de la France Libre et père de la thèse dite de l’épée et du bouclier

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