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Bruno North : « Le CNIP est au cœur de la seule droite, la droite légitimiste »

Entretien avec Bruno North – Président du CNIP (Centre National des Indépendants et Paysans)

Le Nouveau Conservateur développe souvent l’idée que, à la différence de la gauche qui se réunit toujours, tôt ou tard, sur des paradigmes simples (Progrès, Égalité, …), la droite en est encore à chercher ses paradigmes refondateurs, mots-valeurs suffisamment élevées pour réunir toutes ses tendances. Parmi eux, nous proposons cette conception classique de la liberté qu’est l’Indépendance – paradigme proprement révolutionnaire dans un monde où chacun s’ingénie à dépendre, notamment de l’État, un État dépendant lui-même du reste du monde pour tout, ses approvisionnements stratégiques, sa défense, ses produits manufacturés et une bonne part de ses emplois. Et puis il nous faut restaurer très certainement le concept de Nature au sens de la Loi naturelle, de la conscience d’une Nature humaine à ne pas violer et d’une Nature à respecter et protéger. Or ces deux paradigmes sont inscrits dans le nom même du Centre National des Indépendants et Paysans. Nous avons rencontré Bruno North, qui après avoir été un actif militant RPR, a rejoint et préside depuis 2016 ce parti, l’un des plus vieux de France (il fut créé en 1949), l’orientant depuis lors nettement « à droite » ; soutien d’Éric Zemmour à la présidentielle, Bruno North a annoncé la création, avec le Mouvement Conservateur présidé par Laurence Trochu et Via/la voie du peuple présidé par Jean-Frédéric Poisson, d’une Alliance des Conservateurs, qui ne peut que susciter notre intérêt – et notre soutien bienveillant.

Tel qu’il est, à la fois historiquement et idéologiquement, le CNIP se situe au cœur même des droites françaises ; mais le voulez-vous, et comment comptez-vous vous y prendre ?

Si on regarde l’histoire politique française, le terme « Droite » a eu du mal à faire son chemin. Les partis conservateurs se sont évertués à trouver des synonymes, à se cacher sous des étiquettes compliquées et à passer leur temps à ne pas s’affirmer « de Droite ». C’est surtout la pratique parlementaire qui, il y a un siècle, nous fait dire qu’ils représentaient la Droite. Ces formations se voulaient Républicains modérés, libéraux, voire progressistes – cas, par exemple, de la Fédération Républicaine ou de l’Entente Républicaine Démocratique où siégea Barrès en 1906. Ce que l’on conçoit comme la Droite aujourd’hui est, à l’époque, contre la République : Légitimistes, Bonapartistes et autres formations patriotiques ou nationalistes vont même pratiquer un antiparlementarisme déterminé. Puis, l’émergence d’une gauche très idéologisée, la conversion au marxisme de socialistes et la création du Parti Communiste vont déplacer le curseur. Des centristes deviennent libéraux-conservateurs et même nationaux[1]conservateurs, comme René Coty, figure du CNIP sous la IVe République. Pendant longtemps, auront été de « Droite » ceux désignés comme tels par la Gauche. Le CNIP, depuis sa fondation, eut la vocation de réunir ceux qui défendent une vision traditionnelle de la famille, une forte reconnaissance des exécutifs locaux, une méfiance face au progrès sans limite et à la société de consommation, la conservation de nos territoires et l’attachement à l’idée d’Europe comme communauté de destins.

Vous avez dit lors de votre allocution du 26 novembre devant le comité directeur du CNIP que celui-ci s’inscrivait dans la droite légitimiste. Qu’entendiez-vous par là ?

Le CNIP se réclame de la droite légitimiste – se réclame de la Droite, car au fond c’est la seule ; les autres « Droites » chez René Rémond sont l’Orléaniste et la Bonapartiste. J’ai la faiblesse de croire que ces deux autres courants ont des éléments communs avec le progressisme – que ce sont même des progressismes. Cela vient, pour le Bonapartisme, de son héritage révolutionnaire, et, pour l’Orléanisme, de ses valeurs bourgeoises, fascinées par le Progrès et la science, pas seulement conçue comme évolution de la connaissance et des technologies mais projet global de substitution aux conceptions anciennes de l’Homme et de la vie, notamment de la vie sociale. Surtout, orléanisme et bonapartisme ont beaucoup accepté de l’héritage révolutionnaire, notamment la conception jacobine de l’Etat. Le parfait exemple est la « révolte des canuts » qui inaugura dès 1831 le règne de Louis-Philippe, Roi des Français. Cette révolte lyonnaise est bien le rejet à la fois de l’introduction violente de la machine et de la financiarisation de l’économie. Les indépendants, propriétaires de leur travail, devenaient force de travail pour autrui, et salariés. Nous sommes plus proches des Canuts et des communes, à rebours de la lutte des classes, et pour un capitalisme très différent du libéralisme, tel qu’il fut remanié par les travaux d’Albert de Mun, Frédéric Ozanam ou René de La Tour du Pin.

Alors qu’elle pouvait manier mieux que d’autres le thème de la ruralité, la droite française a complètement loupé le thème écologiste, ce respect de la nature qui relève en toute logique du projet conservateur. Comment expliquez-vous ce manquement, et comment nous le réapproprier ?

Hélas, la droite gaulliste, comme les centristes ont très vite remisé la pensée politique au magasin des accessoires, considérant que la gestion était l’Alpha et l’Omega de la pratique politique. Nous avons donc eu, après 1981, un bouillonnement de clubs, revues, initiatives culturelles et intellectuelles laissant sa place à un discours libéral outré, à un personnel politique consternant dont la culture politique tient sur un timbre-poste. La parfaite illustration en est la campagne des primaires d’Alain Juppé : « l’identité heureuse » est la négation même de « La terre et les morts » de Barrès, de ce qui constitue un axe central de toute pensée de Droite.

Le CNIP se réclame de la droite légitimiste car au fond, c’est la seule ; les autres « droites » chez René Rémond sont l’Orléaniste et la Bonapartiste ; or, ces deux autres courants ont des éléments communs avec le progressisme – ce sont même des progressismes. Cela vient, pour le Bonapartisme, de son héritage révolutionnaire, et, pour l’Orléanisme, de ses valeurs bourgeoises, fascinées par le Progrès.

Bruno North, président du CNIP

Comment voulez-vous que les tenants du gaullisme immobilier, les bétonneurs de la Baule et d’une partie du littoral aient conçu un corpus idéologique sur le rapport de l’homme à son environnement, sur le patrimoine immatériel que sont les paysages et sur le devoir de transmission ? C’est un combat titanesque à mener pour arracher l’idée d’écologie aux dingues d’EELV, devenus sectaires, quasi-totalitaires. Le terme écologie par le Pr. Ernst Haeckel promouvant le concept philosophique du monisme : tout ce qui compose l’univers n’est qu’un et nos relations avec la nature doivent être respectueuses. Je ne partage pas son scientisme, mais le rapport à la consubstantialité entre l’homme et son environnement me semble évident. Penser l’environnement, c’est parler d’identité, d’histoire, d’économie, de critique de la production non raisonnée, de notre dépendance à l’industrie chimique américaine et allemande ou de la faiblesse d’une Europe marchande manipulée par les lobbies. Il y a là une vision du monde incompatible avec le progressisme. Être de Droite implique une forte prédisposition à la défense de la Création en général, qu’il s’agisse de l’environnement et de la cause animale, tout en sachant que servir la Nature et se servir d’elle n’est pas incompatible – de tous temps, l’homme a façonné son espace vital.

Concevez-vous l’Alliance des Conservateurs comme un premier pas vers cette union des droites que nous tenons pour une nécessité impérieuse ? Quelles actions et initiatives préconisez-vous pour la réaliser ?

Dans mon esprit, l’Alliance des Conservateurs est là pour rassembler, penser et agir sur les questions dites « sociétales », mais aussi directement sur « le politique ». Nous avons un accord de partenariat électoral avec Reconquête et je conçois la politique comme un engagement de loyauté ; mais, entre les campagnes électorales, nous devons réfléchir ensemble sur les thèmes sociétaux qui sont la colonne vertébrale de nos valeurs. Je parle de champs extrêmement vastes qui vont de l’éducation à la bioéthique, la famille, la lutte contre le wokisme, venu des Etats-Unis névrosés, mais également notre rapport à la nature, au travail, à la technique, à la globalisation, à la francophonie, jusqu’à la capacité à imaginer ce que la France sera en 2050 et ce quelle dira au monde. C’est en irriguant le débat politique de nos prises de positions et propositions que nous préparerons les victoires électorales de demain. L’union des droites, ou « l’union à droite » comme je préfère dire, implique que nous soyons plusieurs, avec des approches et tropismes différents. S’unir veut dire mettre nos egos de côté pour atteindre un objectif commun, ne pas être des identiques. Le CNIP est allié de Reconquête mais ce n’est pas la même chose… et c’est tant mieux ! La Droite, sous la conduite de mauvais pasteurs, a été menée dans une impasse idéologique et tactique : elle a fini par parler comme la gauche et donc à refuser les alliances avec le camp national. Il est temps de réaffirmer ce qu’est la droite et, par la réflexion, de la réinstaller dans l’action.

Retrouvez l’entièreté de cet entretien avec Bruno North dans le neuvième numéro du Nouveau Conservateur.

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