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Les Balkans et l’UE : une Europe entre intégrations et désintégration

Par Alexis Troude, chercheur en géographie et en géopolitique

Les prétendus « Européens » de Bruxelles s’obstinent à faire entrer dans la prétendue « union » prétendument « européenne » un pays de culture musulmane. Les négociations avec la Turquie restant enlisées aussi longtemps qu’y régnera le Lion Erdogan, ils se tournent vers l’Albanie. Alors que 59 % des Français se déclarent opposés à l’adhésion des pays de l’Europe du sud-est, neuf Etats membres de l’UE viennent de la réinscrire à l’agenda européen. Alexis Troude, professeur à l’Université de Melun Val de Seine, rédacteur en chef de « Balkans-Actu » et spécialiste reconnu des Balkans, fait ici un point précis sur l’actuelle situation dans cette région : l’intégration à l’« U.E. » de la Slovénie et de la Croatie, acquise en 2013, ouvre la voie non seulement à celle de la Serbie et du Monténégro, mais aussi à la Macédoine et à l’Albanie. A quand la Bosnie-Herzégovine, mille-feuille administratif ingouvernable, et le Kosovo plongé dans son chaos chronique ?

L’UE veut-elle encore s’élargir sur ses frontières orientales et selon quelle procédure ? Pour la Serbie et le Monténégro, les atermoiements de l’UE ont déjà laissé un espace aux géopolitiques russe, turque, émirati ou chinoise, notamment dans l’énergie et les transports. N’est-il pas déjà trop tard pour l’UE, face aux influences russe et chinoise, déjà très fortes ?

L’intégration des Balkans occidentaux, c’est-à-dire des anciennes républiques de l’ex-Yougoslavie, est un processus que l’UE a entamé depuis vingt ans. Il commence le 30 juillet 1999, avec la création par Bruxelles du « Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est ». Le Pacte envisage l’intégration de tous les pays de l’Europe du Sud-Est dans l’UE, mais lie explicitement celle-ci au respect des critères de Copenhague (1993) : démocratie libérale et économie de marché. Bruxelles attend la démocratisation du régime politique à Zagreb (après la mort du Président Tudjman en décembre 1999) et à Belgrade (à la chute de Milošević à l’automne 2000) pour accélérer le processus. Le Sommet de Thessalonique, en 2003, qui a reconnu la « perspective européenne » des Etats des Balkans occidentaux, propose en échange à ces Etats des normes en termes de justice, d’Etat de droit et de démocratie. En juin 2006, la Commission européenne impose une « Communauté énergétique de l’Europe du Sud-Est », cadre légal pour un marché intégré des réseaux d’électricité et de gaz naturel, qui ouvre la voie à un « Accord Centre-Européen de Libre-Echange », qui met fin aux tarifs douaniers en Europe centrale.

La Slovénie est le premier pays d’ex-Yougoslavie qui adhère à l’UE, dès 2004, adhésion qui s’accompagne de réformes libérales rapides, en vue d’assurer une croissance économique soutenue. Les choses sont moins faciles en Croatie, qui adhère en 2013. Beaucoup de Croates désenchantent vite, déçus notamment par le « moins-disant » social imposé par Bruxelles : de nombreuses grèves ouvrières ont même fait émerger un sentiment « yougo-nostalgique ». L’autre problème que l’UE n’a pas su régler est un différend frontalier avec la Slovénie. A quoi s’ajoute que l’essentiel de la baie de Piran revendiquée par les deux pays fut, en 2017, attribuée à la Slovénie par une Cour d’arbitrage de La Haye, ce qui a irrité l’opinion croate. A terme, la question du retour des 235 000 Serbes expulsés de Krajina en 1995 et la politique vexatoire à l’encontre des Serbes de Croatie finiront par poser un problème aux autorités croates. Les relations entre la Serbie et l’U.E. ont connu une succession de rapprochements et de tensions. Les négociations avaient bien commencé, avec l’ouverture dès octobre 2005, en même temps que pour la Bosnie-Herzégovine, des négociations pour l’antichambre de l’UE, l’« Accord de stabilité et d’association ». Mais elles sont suspendues sept mois plus tard par l’UE, qui considère que la coopération de Belgrade avec le Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) est insuffisante. Heureusement, un Accord de stabilité et d’association est signé en avril 2008 qui rentre en vigueur en septembre 2013. Depuis cette date, des négociations ardues mais sérieuses ont permis de signer 25 chapitres sur 34. Le contexte régional a en effet changé depuis quinze ans : la Serbie, malgré des difficultés économiques, semble être le pays le plus sûr dans un entourage instable. C’est la raison qui explique que l’UE l’ait nommé dès 2015, en pleine crise migratoire, le « Pôle de stabilité » des Balkans. Il n’en reste pas moins un obstacle de taille pour Belgrade, la question du Kosovo. L’UE a obligé Belgrade à entamer un dialogue d’égal à égal dès 2013 avec ce qu’elle considère toujours comme sa province méridionale, malgré une proclamation d’indépendance en février 2008. Outre que ces négociations ont montré la position intransigeante des autorités de Priština, Belgrade sera confrontée à un dilemme cornélien à la fin du processus entamé avec Bruxelles. Soit elle signe le chapitre 34 lui permettant de clore les négociations d’adhésion, mais au prix de la perte de souveraineté sur sa région méridionale ; soit elle préserve son intégrité territoriale en maintenant dans son giron sa province méridionale, mais en disant définitivement au revoir à l’UE. Cela explique peut-être le rapprochement de Belgrade avec la Chine et la Russie, laquelle a ouvert en décembre 2020 le raccordement de la Serbie au gazoduc « Turkish stream » ; par ailleurs, elle n’a de cesse de soutenir la Serbie à l’ONU sur la question du Kosovo, devenue la pierre angulaire de sa politique extérieure. La Chine a transformé au même moment la Serbie en « Cheval de Troie » de son expansion en Europe : routes, chemins de fer, mines et investissements massifs en font un allié de choix. Et le soft power déployé par ces deux puissances dans la politique vaccinale face à la Covid accentue leur influence.

Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine-Nord et Monténégro

La Macédoine-Nord et le Monténégro ont depuis longtemps signé des Accords de stabilité et d’association, en 2004 et en 2010. Des leaders pro-européens et une relative ouverture aux réformes économiques ont représenté une garantie suffisante aux yeux de Bruxelles. Malgré des fractures internes encore vives, représentées par l’irrédentisme albanais dans les deux cas, on semble s’orienter vers un « paquet » d’intégration Monténégro-Macédoine avec la Serbie. Le 24 mars 2020, Olivér Várhelyi, commissaire européen à l’élargissement, a ouvert, malgré le refus de la France, les négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord. Vient l’Albanie. Dans un rapport d’octobre dernier, la Commission observe que, même si « aucun progrès en matière de liberté d’expression n’a été constaté », l’Albanie se voit accorder un satisfecit, « une bonne progression de la réforme de son système judiciaire » et des progrès dans la lutte contre la criminalité organisée ». Le 1er mars 2021, le même Olivér Várhelyi estima que l’Albanie avait rempli toutes les conditions nécessaires à l’organisation de sa première conférence intergouvernementale. Tandis que le gouvernement français, toujours en pointe dans la défense des musulmans d’Europe, « soutient pleinement l’adhésion de l’Albanie » et « salue les progrès accomplis par l’Albanie ». Mais la Bulgarie a exprimé sa réserve, enrayant un processus basé sur l’unanimité. A suivre… Malgré la signature d’Accords de stabilité et d’association respectivement en 2015 et 2016, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo semblent rester pour le moment à la porte. D’abord parce qu’ils représentent un terreau d’activisme islamiste que l’UE ne peut plus se permettre d’accueillir : ces deux pays sont en effet en Europe les deux foyers les plus denses en combattants d’ISIS et leurs djihadistes y disposent de camps d’entraînement. Par ailleurs, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont considérés comme deux « Etats faillis », qui ne contrôlent plus une grande partie de leur territoire (les autorités de Priština n’ont plus autorité sur le « Kosovo-Nord » et Sarajevo voit la Republika Srpska et l’Herzégovine happées par des mouvements centrifuges). De plus, leurs gouvernements sont corrompus ou carrément mafieux et ce ne sont pas vraiment des Etats : la Bosnie-Herzégovine comprend 13 entités ingérables tandis que deux dirigeants du Kosovo, Ramush Haradinaj et Hashim Thaçi, sont poursuivis pour crimes de guerre par le « Tribunal Spécial pour le Kosovo ». L’explosion de la Yougoslavie a provoqué tant de chaos…

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