Par Paul-Marie Coûteaux
Il ne fait aucun doute que nos démocraties occidentales sont désormais menteuses, très menteuses. Mentir a toujours été un défaut répandu parmi les hommes, entre autres, chez les dirigeants, mais on a l’impression que le mensonge est devenu, plus encore qu’un comportement individuel passable, un système de gouvernement. Paradoxe ? Alors que la démocratie suppose un constant souci de vérité (ne serait-ce que dans l’information du citoyen), le « projet démocratique » occidental, auquel le monde entier devrait adhérer, de gré ou de force, repose finalement sur des valeurs qui sont loin d’être vérifiées, pour ne pas dire qu’elles sont mensongères dans leur essence même. Acceptons le débat ou la tolérance ou la fraternité ; mais que dire de la Liberté au sens moderne (autrement dit au sens négatif : que rien ne fasse obstacle à mes volontés ou désirs), si ce n’est qu’elle ne peut tenir ses promesses et ne peut finalement que mentir tôt ou tard ? Même chose pour l’Egalité (voir sur ce mot le très récent ouvrage du professeur Yves-Marie Harouel, Les Mensonges de l’Egalité, éd. L’Artilleur) ou pour le Progrès ou pour la Laïcité, valeurs suprêmes de nos âges démocratiques dont il n’y plus à faire la preuve qu’elles sont toutes prises en défaut et finalement trompent chaque jour, ceux qui l’évoquent sans répit et sans examen. On pourrait même dire que la démocratie est triplement menteuse : par ses principes, par l’incapacité de ceux qui s’en inspirent à leur rester fidèle, enfin par la nécessité dans laquelle ils se trouvent de mentir ouvertement pour accéder au gouvernement et, s’ils réussissent, pour gouverner. Point étonnant dès lors que la prétendue « patrie de la démocratie », les Etats-Unis d’Amérique, soit aussi la plus menteuse de toutes (cf. « les mensonges impériaux »). On peut donc, à la limite (« à la Churchill ») considérer la démocratie (sans majuscule) comme un pis-aller ou, mieux, comme un des ingrédients du « bon gouvernement », que recherchait Aristote dans un alliage empirique des trois sources de légitimité, la monarchique, l’aristocratique et la démocratique, alliage qui ne connaissait nulle perfection, mais du moins limitait les manques et les excès de chacun d’eux, nullement comme un absolu en lui-même, encore moins un dogme sacré. Tout cela pour ne rien dire de l’énorme mais contant mensonge, que l’on espère conjoncturel, d’une classe politique qui réussit le tour de force d’invoquer sans cesse la démocratie et de jeter au ruisseau la souveraineté, niant ainsi à la fois le demos et le kratos. Pour François Martin, qui prolonge ici la réflexion de Roland Hureaux sur les mots, et celle de Jean-Gérard Lapacherie et d’Ingrid Riocreux sur les médias, le fameux « débat démocratique » est si biaisé qu’il devient peu à peu, pour secret qu’il soit dans l’ambiance de notre temps, son mensonge cardinal (pmc).