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Le journal de pmc – Avril 2021

Vendredi 2 avril deux mille vingt et un. Je reviens ce matin à mon habitude ancienne, du temps que j’écrivais les entrées de mon journal en toutes lettres ; elle avait le mérite de plonger le jour dans l’Histoire, restituer d’un coup l’épaisseur du temps – ou plutôt de la Durée, qui a bien plus de sens, cette très longue durée qui nous sépare du jour de la naissance du Christ, et simultanément nous fait toucher du doigt le récit fondateur. Justes ou pas (non point fausses mais inexactes, comme tout le reste, ce que montre trop bien l’énorme somme qu’Alain de Benoist a consacrée à « l’affaire Jésus », lue en ce moment page à page) justes ou ou pas, qu’importent la précision des dates : je veux me relier à travers les siècles au martyre du jeudi saint dont se souviennent aujourd’hui les Chrétiens à travers le monde. Toujours la phrase de Socrate : « pour être éternel, séjourner avec constance parmi les choses éternelles ». Du moins à ce qui dure, tel le souvenir lointain des jours de la semaine sainte qui chaque année sanctifie doucement, tandis que rallonge les jours et s’étend la lumière, l’entrée dans le printemps.

Suis rentré en Angouois dans la semaine pour, comme on disait jadis, faire mes Pâques à la campagne. Cette année, pas de messes, et d’ailleurs, il fait si froid dans ma grande baraque (que je n’ai plus, plus du tout, les moyens de chauffer…), que je garde le lit le plus clair des jours. Je me suis donné bien assez d’exercice, ces dernières semaines à Paris, en marchant en toutes occasions pour éviter les bus et les métros, et en conséquence les masques. A quelque chose malheur est bon : comme j’ai jeté tous mes masques, l’autre jour sur un coup de tête, je fus bien obligé de marcher, ce que ne font pas assez les Parisiens, obsédés par les transports, et qui est pourtant délicieux, reposant, pas beaucoup plus long (intra muros), instructif et souvent émouvant, tant se succèdent, au fil des rues, des immeubles, des lieux, les réminiscences bénies. Au cours d’une marche dans Paris, il ne se passe pas cinq minutes sans qu’un souvenir me prenne à la gorge ou me remue.

Il y a les réminiscences exquises, un lieu de rendez-vous où j’étais allé retrouver un ami il y a trente ou quarante ans ; un immeuble devant lequel le marcheur passe distraitement jusqu’à se rendre compte tout à coup qu’il abrita jadis une nuit délicieuse –revenir sur ses pas, quand les images envolées sont trop belles pour qu’il soit supportable de s’éloigner, tenter de retrouver l’étage, chercher la fenêtre derrière laquelle, etc. Ici un dîner ennuyeux dont je m’étais échappé en douce, me changeant dans l’ascenseur pour en rejoindre un autre d’un autre genre dans les années 1980 –plus un souvenir est lointain, plus il est précis, succulent privilège des vieux dont la mémoire est meilleure après que de longues années ont passé. Et encore là, une conversation avec un chauffeur de taxi philosophe qui avait arrêté son compteur pour poursuivre nos échanges… De tout, sorti en vrac du grenier intérieur : ainsi lundi dernier, tandis que je remontais la rue Emile Zola, je fus tiré de mes pensées virevoltantes par le nom pourtant discret de l’Institut Jeanne Garnier. C’est là, revis-je tout soudain,  que sont morts trois des êtres les plus chers de mes jours : mon père, en janvier 1986; Hervé Couteau-Bégarie en février 2012 ; Philippe Martel, en novembre de l’an dernier. Pour les deux premiers, j’étais là. Les images s’entremêlent des derniers râles, de l’odeur de Vodka qu’exhala le dernier souffle de mon père, du dernier regard de mon ami Hervé perdu dans la forêt blanche des lianes et des tuyaux, un regard qui n’était plus un regard et dont le lieu où je marchais me renvoya brutalement l’image, odieuse et tendre –autre sortilège de la durée : ce dernier regard que posait sur moi mon ami, il avait moins de sens alors qu’il n’en eut quand le souvenir, bien après, m’en revint. (Proust : ce qui nous arrive, il faut attendre longtemps, consentir à bien des détours de la mémoire, mûrir et ruminer bien des souvenirs du grenier, pour le comprendre).

Poursuivant la marche sur la rue Emile Zola tout à coup repeuplée, je me suis demandé si le plus poignant ne fut pas le geste d’au-revoir qu’eut Philippe Martel tandis que, quelques jours avant sa mort, je refermai la porte. Et voici que, tandis que j’écris ces lignes, me souvenant de ma promenade d’avant hier qui se souvenait, elle, d’autres jours bien plus lointains, dans cet exercice en cascade du souvenir, m’arrive en pleine figure un détail que, sur le moment, je crus tel et ne notais pas, mais qui n’en est pas un, pas du tout : avant que je ne parte, nous avions risqué un bout de conversation sur la mort dont l’idée l’occupait sans drame, et nous en fûmes à conjecturer si Malraux avait parlé, pour dire la vie des hommes, du « petit tas de secrets » ou du « misérable petit tas de secrets », ce qui change tout. Or, Malraux a bien « misérable » : il savait ce qu’ignorent les affolés du covid, capables d’arrêter la vie du monde pour que ne s’arrête pas la leur, que la mort ne fait que dissoudre un petit monceau d’égoïsme, et n’est pas beaucoup plus, que les Modernes idolâtrent au delà du raisonnable –d’où leur panique. 

Il y a ce fait, aux profondes effets : les générations anciennes avaient nettement moins peur de la mort que les nôtres, faisait observer l’an dernier Olivier Rey (« L’idolâtrie de la Vie ») au tout début de l’affaire covid, dont il tirait d’emblée la grand leçon : la panique devant l’épidémie s’explique en grande partie par son incapacité à installer quoi que ce soit au dessus de sa vie, dont la culture contemporaine matérialiste et jouisseuse fait l’alpha et l’oméga de l’aventure du monde –lequel doit s’arrêter « quoi qu’il en coûte » si elle est menacée. Or, disions-nous avec Martel (et Malraux), ce n’est pas grand chose –et tandis que je marchais devant des lieux qui en virent tant, de vies et de secrets, aussi charmants qu’insignifiants, je contemplait l’extraordinaire placidité de lieux, qui voient tout et restent indifférents, superbement dépourvus de tout égards pour les drames, aussi brutaux soient ceux qui ont peuplé l’immeuble, les escaliers et les abords de l’Institut Jeanne Garnier : c’est le monde qui dure, c’est le monde qui compte, et la Vie dans sa masse immense -pas les vies, les si petites vies, les furtives allées et venues des hommes, ou peu, un peu tout de même, mais si peu…  

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Dimanche 4 avril, Pâques. A la grand messe de l’église Saint Bruno, avec ma mère. Tout, de cette messe traditionnelle, est superbe : à commencer par les chants et les habits de couleur des nombreux officiants (par moins d’un trentaine, en comptant les nombreux enfants de chœur, en rouge éclatant, et les deux petites chorales, celle des hommes, celle des femmes). Ma joie s’augmente de l’affluence (nous ne devons pas être moins du millier dans cette vaste église du presque centre de Bordeaux) et, par dessus tout, de la large proportion de fidèles qui ne portent pas de masque. D’ailleurs, tous communient à la bouche, ce dont plusieurs évêques ont enfin donné l’autorisation. Ainsi, les Chrétiens n’ont pas peu, bien moins que les autres, en tous les cas, ce qui corrobore ce que j’écrivais ici jeudi dernier, et que j’observe depuis le début de la dictature sanitaire à laquelle nous nous plions bien moins que les autres. Les matérialistes n’ont que leur pauvre vie, leur « misérable  petit tas » que rien ne transcende, paniquent et se calfeutrent. Le dégoût que m’inspire la docilité de mes contemporains depuis le début de cette affaire en est d’un coup tout allégé : une culture chrétienne résiste aux errements officiels, la France ne marche pas comme un seul homme, chacun emmuré dans sa trouille et sa muselière : alléluia ! (nb : une fois de plus, derrière toute question politique, aussi étrangère semble-t-elle aux réglementations sanitaires, se nichent de secrètes questions théologiques).

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Mercredi 7 avril. A Charmant, les maisons sont pleines : partout, grâce à la disgrâce du confinement, les citadins, Bordelais ou Parisiens, se réunissent dans les campagnes et en famille, ce qui donne à l’aventure un coté réac que ses promoteurs n’avaient sans doute pas voulu -plutôt : un coté « conservateur » ; j’aime de plus en plus ce mot, qui gagne toujours plus de sens.

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Samedi 10 avril. Revenir sans cesse aux mots. Renaud Camus faisait observer l’autre jour, dans un de ces délicieux touittes dont il a le secret que l’on parle, en France, du christianisme, du protestantisme, du judaïsme, du shintoïsme et du bouddhisme, etc. Pourquoi s’interdirait-on de parler d’islamisme ? Et s’appliquer tant à dire « Islam », qui est davantage une région qu’une religion, dont il faudrait se garder d’évoquer le système ?

Toujours les mots, les grands compagnons méconnus de nos jours (moins méconnus en tous les cas mieux formalisés, dans leur beauté, depuis que j’écris sur ma machine dans la police Garamond, que j’ai bien fait de choisir pour police du Conservateur, et à laquelle je conforme désormais tous mes textes : je susi devenu en quelques mois un garamondiste frénétique, ébloui par l’élegance de ses lettres…) les mots, donc, aujourd’hui, battent la campagne. Plus aucun n’est vraiment à sa place. Non seulement l’Europe, dans le langage courant, signifie le contraire de ce que signifie, dans sa substance historique et géographique « l’Europe » – iatus qui signe sa perte…), mais voici que es écologistes discréditent et même combattent l’écologie, que la droite parlementaire discrédite, et prive de sens la véritable substance de la droite – et d’ailleurs le sens et la fonction du Parlement, comme la Vè République fiche en l’air l’idée précise de République, peut-être-même le Pape la Chrétienté, quand décidément pourrait se dire de nouveau que « Rome n’est plus dans Rome »… Ainsi de suite : comment vivre dans un monde où tous les mots se mettent à émigrer de leur sens – où, finalement, les mots mentent ?

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Dimanche 18 avril. Retour à Paris, hier, après avoir planté à Charmant quelques derniers arbres et arbustes –in extremis. Suis allé tout à l’heure au rassemblement rituel qu’organisent Florian Philippot et ses amis pour protester « devant les fenêtres de Véran » contre la « dictature sanitaire ». Une poignée de personnes sympathiques chantent des chansons, l’air bon enfant. Après son petit discours, vais voir Philippot pour le féliciter de son bel activisme anti-totalitaire – pas si facile alors que nous ne nous sommes pas revus depuis sept ans après tant de mots, de divergences, sans doute d’acrimonie réciproque. Il fait l’étonné de me voir, mais, après une petite hésitation, prend la main que je lui tend. Hélas, il ne peut s’empêcher de me dire que j’ai été « odieux, du temps de Marine » (ce n’était pas mon temps, je n’était pas membre du grand machin, moi) ; je me retiens de lui dire qu’il eut si grand tort de tirer sa Marine vers la gauche et que, odieux, j’aurais pu et dû l’être davantage. Mais je n’en dis rien, et le félicite. Mais lui : « Vous n’êtes donc pas dans votre château » ?, prononçant le mot avec une emphase, ne le grandit pas…

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Lundi 19 avril. Cette année, l’université française ouvre quatre postes de maîtres de conférence en philosophie. Quatre, seulement, pour toute la France ! Quand on veut tuer l’intelligence, on commence par supprimer l’Histoire (c’est fait), la géographie (c’est fait), la littérature (c’est presque fait), voici maintenant la philosophie. Après quoi, la France ce ne sera plus de rien – des choses, des tas de petites choses, le plus souvent en détresse (notre patrimoine industriel, nos paysages, Paris même….), mais, en esprit, plus rien… Après quoi, il ne restera qu’à rayer d’un coup de plume le passé, et tout sera consommé – ce à quoi s’emploie d’ailleurs le Président de la République qui a déclaré hier tout à trac, à un journaliste américain sans doute trop heureux de l’entendre, qu’il entendait que les Français aient désormais le courage de « déconstruire » l’histoire de France. Deconstruire, c’est le mot des Modernes, et il dit tout : détruire. Détruire est leur grande affaire – du bel avenir, ici, du scrupule conservateur, soit dit en passant….

Disant cela, M. Macron a lâché le grand morceau : détruire l’Histoire de France est le but ultime de ceux qui veuelent dissoudre en toustes choses les attachements anciens – l’ancien monde, comme ils disent. Mais ils se trompent : ce n’est pas parce que, au fond, ils ignorent l’Histoire (le petit Macron, ne l’oubliera jamais, a par trois fois ( !!! ) raté Normale Sup), que l’Histoire n’existe pas – et sa force, indissoluble, immarcescible. C’est plutôt parce qu’il ignorent l’Histoire que l’Histoire les oubliera…

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Jeudi 22 avril. Horreur prévisible. En Italie, le gouvernement dirigé par le plus ou moins « ex » représentant de Goldman Sachs en Europe, Mario Draghi dépose devant les Chambres un projet de loi prévoyant le licenciement de tout agent de santé qui refuserait de se faire vacciner. Ici l’opération covid touche au but : soit l’inexistence sociale, et la misère, soit le don de son corps à ce que veut en faire la Science, ou plutôt les Comités Scientifiques, les maitres du numérique et les laboratoires. Un coup d’Etat, disai-je naguère – ou plutôt une révolution, la plus destructrice peut-être que connût l’histoire de l’humanité… Nous aurons vu de ces infâmies… 

Autre abomination (nous voguons, ces temps-ci, de l’une à l’autre : sur France Inter, à 18h30, j’entends de me oreilles le journaliste» David Levaï vanter la tenue aux EU d’une conférence sur le climat sous la Présidence Biden ; et de conclure : « à cause de Trump, le monde n’avait plus de leadership, maintenant il y a un enfin un maître à bord ». Sic ! La soumission, parmi les « journalistes » français, ça devient une culture.

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Vendredi 23 avril. A Rambouillet, cet après midi, un islamiste (que l’on s’obstine à présenter, je ne sais pourquoi, comme « inconnu », alors que, inconnus, ils le sont presque tous, me semble-t-il ) a assassiné une femme, agent de police. Personne ne voit le sens, évident : pour les soldats de l’armée d’invasion, les policiers sont les soldats de l’armée du pays envahi ; autrement dit, nous sommes entrés dans une guerre véritable, entre soldats – il semble d’ailleurs que notre Armée et quelques uns de ses plus hauts gradés réagissent enfin, et pourraient entrer en scène.

Point de cette gravité parmi les officiels : le cirque habituel. Président de la République, Premier ministre, Garde des sceaux font assaut de grands mots pour présenter aux parents de la victime leurs condoléances – me fait irrépressiblement penser à la mafia envoyant des couronnes de fleurs aux obsèques de ses victimes. Le ministre de l’Intérieur, qui était à Lille après l’incendie volontaire d’une école, suivie de l’attaque des pompiers venus éteindre ledit incendie, abrège son discours (dans lequel il condamne bien entendu, avec la plus grande fermeté) pour accourir à Rambouillet où il déclame quelques autres « paroles fortes », comme dit un journaliste – parce qu’il doit, lui aussi, dire quelque chose. Sent-on ce que tout ce cirque a de dérisoire ?

L’assassin était un Tunisien, clandestin depuis douze ans, régularisé il y a deux ans. Deux solutions, donc : soit créer une super-police pour protéger la police puis une autre police pour protéger la super-police etc. Soit arrêter toute immigration et expulser les clandestins, c’est à dire appliquer la loi. Je propose pour sujet (ubuesque) de référendum, si référendum il y a un jour : « La Loi relative à l’expulsion des étrangers clandestins doit-elle être appliquée ? » Ou, mieux encore : « Faut-il appliquer les lois» ? De ce que mon pays est devenu, j’ai honte.

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